Contact
La Technique F. Mathias Alexander



 

 

 

accueil



Ne respirez jamais

Un propos étonnant, une recommandation contraire au bon sens ?
Et pourtant la directive contraire : « respirez », entraîne des réponses facilement observables : je respire, je soulève les épaules, je pince le nez, je ressens un plein dans la poitrine dont je ne sais pas quoi faire et je n’ai qu’une envie c’est de m’en débarrasser.
 


De l'élasticité du diaphragme


D’accord, ça m’a apporté de l’oxygène, mais la fonction dynamique de l’air comme partenaire mobile et souple de l’action est totalement absente. Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi : dans la respiration volontaire, l’élasticité du diaphragme est en dessous de ses capacités parce que le mouvement instinctif et spontané est hors jeu. Il est contrarié par l’action volontaire.
En revanche, l’idée de percevoir un parfum, celui d’une rose par exemple, comme le recommandent les anciennes méthodes de chant et de moins anciennes aussi, mobilise de manière réflexe les récepteurs de l’olfaction qui se trouvent dans la partie supérieure des fosses nasales. Celles-ci vont s’ouvrir pour laisser passer le flux d’air chargé des molécules odorantes et permettre l’excitation maximale des récepteurs.
Ce flux d’air qui part du point le plus élevé du conduit aérien, et sans doute à cause de cela, va se diriger très rapidement vers la base des poumons en les remplissant au passage de manière optimale, c’est-à-dire sans rencontrer d’obstacles.

Le diaphragme, de son côté informé nerveusement de la nécessité de mettre en jeu son élasticité, de manière plus ou moins importante selon le type d’activité désirée, va se trouver stimulé par un mouvement du flux qui, n’ayant pas été perturbé par l’inspiration volontaire et remplissant les poumons de manière équilibrée, va lui-même s’épanouir de manière équilibrée. C’est-à-dire autant à l’avant qu’à l’arrière et sur les côtés. C’est ainsi que sa puissance et sa souplesse vont s’accroître, sans effort et que le fameux « soutien » de la voix, parlée ou chantée, ainsi que sa mise en jeu dans le travail physique, vont pouvoir se reposer sur une force souple et sans aucune dureté.
On rencontre souvent quelques écueils dans cette pratique. D’abord on est victime de la réponse spontanée à la directive d’« inspirer ». C’est pourquoi il vaut mieux l’énoncer en disant « percevoir le parfum ». Et se rendre compte qu’on n’a nul besoin de faire un geste inspiratoire. La prise de conscience de cela est très importante et efficace pour se débarrasser de ce geste.


Inspirez, expirez...
Ou l'épanouissement du non faire


Ensuite il faut ASSISTER au flux de l’air tel qu’il se passe et ne rien faire qui puisse le freiner : gonflement de la poitrine, « alignement » du dos. Enfin il faut PROFITER de l’épanouissement du diaphragme, tel qu’il se passe, pas plus, pas moins, seulement tel qu’il se passe. Vouloir augmenter son amplification va le perturber. Il le fera de lui-même au cours de la pratique. Laquelle ne demande que du sang-froid pour résister aux tentations tellement habituelles que j’ai décrites. En effet nous sommes construits pour accueillir l’air en nous. Nous le faisons toute notre vie, mais qu’on nous dise d’inspirer et tout le naturel disparaît. Alors qu’il suffit de s’appuyer sur lui et non pas d’essayer de faire mieux que lui.
Mais notre goût moralisateur pour l’effort nous intoxique et notre conviction d’avoir à être « maîtres et possesseurs de la Nature » nous prive d’en tirer enseignements et bénéfices.
C’est un travail de la pensée, qui nous demande de choisir avec soin les mots, organisateurs de ce qui est déjà là, avant que nous le perturbions.
Une objection bienvenue d’un ami chanteur, me signale que dans le chant on n’a souvent pas le temps de respirer par le nez.
En effet et c’est là que je dois préciser quelque chose : c’est que la procédure que je propose n’a pas pour but de « bien respirer » en respectant un trajet obligé, mais bien plutôt d’ouvrir le trajet qui existe pour qu’il s’habitue à être disponible.

Et que, en particulier le diaphragme, puisse acquérir et conserver en toutes circonstances ces qualités (que j’ose lui promettre !) de souplesse et de stabilité nécessaires en particulier dans la pratique du chant.
Le trajet ainsi ouvert n’a pas de raison de se fermer sur une partie de son parcours et « respirer par la bouche » n’est-il pas simplement un ajout d’air dans le circuit, lequel, parfaitement préparé, ne va pas se laisser déstabiliser par cette entrée d’air par la bouche… il me semble…
L’important est donc de fréquenter et d’épanouir ce circuit, en tant que conquête permanente que la simple évocation du parfum d’une rose peut restaurer à tout instant s’il en est besoin. J’ajouterai que l’état idéal du diaphragme obtenu de cette façon, permet à celui-ci de mettre en jeu sa double fonction simultanément, de stabilité sur ses bords et de mobilité en son centre nécessaire à la variation des pressions selon les fréquences sonores émises.
L’image d’un trampoline peut servir pour le comprendre.
On a ainsi une belle occasion d’éprouver que la solidité prend sa source dans l’épanouissement, l’ouverture obtenus par le « non-faire la respiration » en l’occurrence, et non par la contraction et l’effort.


 
© Renaude Gosset